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Vivre, c'est apprendre à danser sous la pluie
1 juin 2010

Témoignage

Voici un témoignage, comme tant d'autres, qui m'a fortement marqué.

Comme elle, je rêve et ressens les mêmes choses, et souhaite vraiment avoir l'occasion de le faire, un jour.

Une prof de 27 ans qui a tout plaqué, du jourd au lendemain, pour entreprendre seule un voyage à travers l'Asie.

< " Je rêvais de vivre libre, sans loi, la pauvreté me révoltait. Puis il y a eu l'école, on m'y a appris qu'il était bon de laisser les fantaisies à l'enfance, qu'il fallait devenir raisonnable. Rêves gelés. J'ai choisi d'être professeur. Puis il y a eu ce soir d'été. Après quelques verres de vin et une discussion existentielle de plus sur le sens de la vie, force était de constater que j'étais loin de mes rêves d'enfance. Je prenais des tours et des détours pour en arriver toujours au même métro-boulot-dodo. J'étais devenue une bohémienne de luxe avec mes quarantes paires de talons hauts et mes trois garde-robes. Moi qui rêvais de liberté, j'étais enfermée dans les convenances. J'avais fermé les yeux sur mes rêves.

Comme je ne suis pas du genre résignée, ce soir-là j'ai décidé que ma vie allait changer. J'allais être gitane et Mère-Teresa, j'allais être moi. Je me suis donnée trois mois pour remettre mon appartement, vendre ma voiture, donner ma démission, économiser et apprendre l'anglais. Finalement j'étais prête. J'avais ma maison sur le dos et l'horizon devant moi.

Premiers pas à Calcutta

Premiers pas en Inde, une odeur de poubelles, d'égouts, de pollution, d'épices, de riz me monte au nez. Je prends un taxi. Il devrait rouler à gauche mais il va de tous les côtés, il évite les vaches, les cochons, les trous, les gens, il roule la main sur le klaxon. Je n'ai pas peur, je suis loin de Bruxelles, loin de tout ce que je connais, dans un autre monde et en train de vivre une autre vie. Mon taxi me dépose a Sudder Street, quartier des backpakkers et des guest house. Je dépose mon sac et je regagne la rue, je suis impatiente. Deux pas, trois pas, je suis dans la cour des miracles : il y a les mendiants, les prostituées, les lépreux, les femmes et les enfants qui me suivent pour un peu de lait ou du chocolat. Il y a aussi des musiciens et des voyageurs. Les trottoirs n'existent pas, on ne marche pas ; on zigzag. On sautille pour éviter celui qui fait sa sièste, celui qui cuisine, celle qui fait sa lessive ou pour éviter une vache plantée en plein milieu de tout ce bazar.

Je lève la tête et des milliers de fils électriques se croisent, se superposent. Même le ciel est un bordel. Je décide dès mon arrivée de m'essayer en tant que bénévole dans les dispensaires des "Missionnaires de la Charité". Il ne faut pas prévenir, il ne faut pas de formation. Y entrer n'est pas synonyme d'obligations, pendant 7 jours, je fais des kilos de lessives, met du vernis sur les ongles des petites vieilles, donne à manger aux nourrissons. Mais je ne suis pas là pour retomber dans un train-train, le travail y est routinier. Je me lance sur la route.

Je décide de prendre le train de nuit dans la classe la moins chère. Quitte a être en Inde, autant vivre à l'indienne. Il a fallu que les portes s'ouvrent pour que je regrette mon choix. Une centaine d'Indiens qui se bousculent, qui crient pour une place assise et moi au milieu, tétanisée. Je suis la seule touriste, en pleine nuit dans la classe des plus miséreux, debout dans un wagon bondé, instinct de survie, je prends mon livre dont la première de couverture est la photo de Gandhi. Je plonge le nez dedans. Du coin de l'oeil, je vois des visages se décrisper, des sourires naître. 5 minutes pour ne plus être étrangère. Certains se lèvent, me cèdent leur place, d'autres portent mes affaires. Je passe la nuit sur un porte-bagage, mais quelle nuit! Ces hommes et ces femmes n'ont rien et me donnent tant. Des sourires, des verres de thé, des conversations en hindi et des réveils aux petites heures pour voir si je n'ai pas froid ou faim.

L'Inde, ce sont des milliers de kilomètres en train, rikshaws, bus, taxis, jeeps et motos. Ce sont des heures dans les stations avec les rats et les singes. C'est patienter parce que le conducteur a écrasé une vache et qu'il attend la cérémonie pour rétablir son karma. C'est aussi se battre avec les indiens qui pensent que parce que je suis blonde, je suis putain.

L'Inde, c'est aussi la magie et la tragédie qui se côtoient, partout et toujours. On peut passer à côté d'un mort sur le trottoir et assister à une crémation au bord du Gange. Partager des sourires de jeunes femmes pleines de vie et consoler les pleurs de visages brûlés par un mari insatisfait. Société d'hommes, les indiennes se battent pour une place dans une société ou pour une heure de liberté. Ici tous les paradoxes et contradictions du monde se font jour. Des enfants pieds nus nettoient la Ferrari de celui du quartier d'à côté. Des Hindous m'arrêtent juste pour lire les lignes de la main et d'autres m'ignorent parce que, pour eux, ma peau d'Occidentale est sans vertu.

Je suis passée de poisson à papillon, j'ai trouvé ma liberté, je vis ma naissance. Demain je volerai vers la Thaïlande, le Laos, le Cambodge, la Malaisie... pour finir à Bali. Qu'elle est loin ma vie de citadine, comme elle est divine quand on vit en exil." >

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